La datation radiocarbone des alliages ferreux
La datation des objets ferreux archéologiques est une donnée incontournable pour traiter les problématiques fondamentales pour l’histoire de la sidérurgie, des techniques et des sociétés anciennes. Néanmoins, ces objets ne sont pas toujours trouvés dans des contextes pour lesquels la chronologie est établie. Une datation de l’artefact lui-même peut alors s’avérer très intéressante. Comme ces alliages contiennent, dans la plupart des cas, une certaine quantité de carbone, l’idée de les dater par radiocarbone a été émise dès les années 60. Cette technique est effectivement applicable car, au cours de la chaîne opératoire sidérurgique ancienne, du charbon de bois était utilisé pour la réduction des oxydes contenus dans le minerai.
En effet, jusqu’à l’époque moderne, le minerai était réduit en métal dans des fourneaux utilisant du charbon de bois, dont une partie du carbone diffusait dans le métal et se retrouvait incorporé dans la structure de l’alliage ferreux sous forme de lamelles de carbures de fer. Dans la mesure où le charbon utilisé était habituellement produit à partir de bois fraichement coupé, on peut, si l’on parvient à extraire ce carbone de la matrice métallique, dater l’arbre qui a servi à obtenir le charbon et estimer ainsi l’âge du métal lui-même.
Grâce à la collaboration entre le Laboratoire de Mesure du Carbone 14 et le Laboratoire Archéomatériaux et Prévision de l'Altération (LAPA-IRAMAT, NIMBE, CEA, CNRS, Université Paris-Saclay), un cadre analytique rigoureux a pu être mise en place pour dater de façon fiable ces matériaux très complexes et hétérogènes que sont les alliages ferreux. Nous avons montré qu’un examen métallographique et une analyse inclusionnaire des objets à dater étaient indispensables pour éviter les sources de contaminations dues à l’utilisation d’acier recyclé et à la présence de zones de corrosion mais également pour déterminer les secteurs les plus carburés et donc les plus pertinents pour l’analyse par carbone 14.
La datation radiocarbone d’objets bien situés chronologiquement a permis de valider l’ensemble du protocole opératoire et de vérifier de façon statistique la fiabilité des résultats ainsi obtenus (Leroy et al., 2012).
L’utilisation de ce protocole dans l’étude de monuments et de sites archéologiques contribue d’ores et déjà à renouveler nos connaissances sur l’emploi du fer dans la construction des cathédrales gothiques (Leroy et al., 2015b), la diffusion des alliages ferreux dans l’Antiquité (Delqué-Kolic et al., 2016) et le rôle du fer dans le développement de l’Empire Khmer (ANR IRANGKOR, Leroy et al., 2015a).
Source image : © P. Dillmann, S. Leroy